Étape 3 : L’orchestration

Une fois l’esquisse faite, je me suis aperçu que la musique était totalement décousue. Il était donc important que je travaille mon orchestration de manière à fluidifier ma composition.

- La planète des singes :

J’ai commencé par modifier « La Planète des singes », les percussions étaient éloignées du reste, tant sur le timbre que sur leur aspect  primitif. J’ai plutôt opté pour une ambiance lourde presque sournoise avec juste quelques coups de percussions et un cluster grave aux cordes et aux cuivres.

avant : 
après :

 

- Portrait du jeune Burton :

Le début ne me plaisait pas tellement dans l’idée. Il fallait que cette musique marque une certaine suspension afin d’introduire le film comme une ouverture de rideau . J’ai donc décidé de réduire l’harmonie à une simple pédale de tonique sur laquelle le thème ne conclut pas et reste ainsi sur la sensible. Cela a pour effet de créer une dissonance entre l’harmonie et la mélodie. J’ai également ajouter à la nappe orchestrale les vents et les cuivres afin d’enrichir les couleurs orchestrales.

avant : 
après :

 

- L’étrange noel de Mr Jack :

Ce tableau était noyé par l’utilisation de la harpe et des choeurs féminins que nous entendions depuis « Edward aux mains d’argent ». C’était l’occasion d’introduire le clavecin, les vents en staccato et le xylophone afin d’offrir à l’image une touche d’humour.

 

Pee Wee’s Big Adventure et Beetlejuice :

Je me suis ensuite dit que cette même orchestration pouvait être reprise pour colorer ces deux tableaux. A cela j’ai repris quelques motifs de mon thème principal  :

avant :
après :

 

- Batman, Edward aux mains d’argent et Batman 2 :

Ce court passage sur Batman représente un travail d’orchestration important afin d’obtenir un climax. C’est la première fois que nous entendons le tutti orchestral pour un crescendo détonant. Viens ensuite une nappe orchestrale fluide qui nous amène peu à peu vers « L’étrange noël de Mr Jack » :

avant : 
après :

 

- Ed Wood, Mars Attack, et Sleepy hollow :

Je voulais une fois de plus qu’un crescendo orchestral souligne l’apparition de l’extra terrestre sur « Mars Attack ». Pour « Sleepy Hollow », j’ai finalement opté pour reprendre le thème dans un tutti aux cordes soutenu harmoniquement par les vents et les cuivres afin d’obtenir une masse orchestrale dense.

avant :
après :

 

- Big Fish , Charlie et la Chocolaterie, et les noces funèbres :

Là encore le travail d’orchestration était conséquent, j’ai réutilisé le clavecin sur les noces funèbres mais la composition est restée inchangée :

avant :
après :

 

- Sweeney Todd et Alice :

Pour cette fin, je voulais produire une sensation de grandiose avec une orchestration tourbillonnante sur Alice. J’ai donc gonflé au maximum la densité instrumentale sur Sweeney Todd en vue d’introduire le tutti orchestral final sur Alice :

avant :
après :

Après ces explications et l’ajout de quelques bruitages afin de souligner des éléments ponctuels forts, je vous laisse écouter le résultat final en vidéo en espérant que cela vous aura été profitable…

 

Tim Burton – a filmography from Martin Woutisseth on Vimeo.

 

Pour réaliser cette composition j’ai fait appel aux instruments suivants :

chez East West :

Symphonic Orchestra Platinium
Quantum leap piano
Quantum leap Goliath
Stormdrum 2
Quantum Leap RA

Les ondes martenot de soniccouture.
Flûtes renaissance de SampleTekk

Étape 2 : Réalisation de l’ébauche musicale

Ensuite il fallait tramer le film du début à la fin afin d’obtenir une lecture globale de la composition. Je voulais partir sur un style symphonique mais garder tout de même des parties plus solistes, plus intimistes.

- Portrait d’introduction

Martin voulait que la musique commence par une longue tenue sur le premier plan de Tim Burton. Ce portrait renfermait un clin d’oeil au court métrage Vincent réalise en 1982, et bien que la musique n’a pas été composée par Danny Elfman, il me fallait un moyen de connoter musicalement cette bande originale. Le souvenir musical que j’avais de ce court métrage était le timbre d’une flûte à bec en solo qui introduisait le film. J’ai donc eu l’idée d’exposer mon thème avec une flûte à la couleur similaire. Pour se faire, j’avais en ma possession la banque de son « Rennaissance Flûtes de SampleTekk » avec une flûte soprano qui s’en rapprochait idéalement. Je voulais que cette intervention de la flûte soit simple, poétique et qu’elle reflète d’une certaine humilité, j’ai donc légèrement modifier le thème principal et j’ai obtenu ceci :

Thème à la flûte :

Quant à l’harmonie, je l’ai épuré jusqu’à la réduire à une simple cadence parfaite (I – V – I)
Thème à la flûte harmonisé (cordes et choeurs) :

 

- Pee Wee’s Big Adventure et Beetlejuice :

Ces deux tableaux demandaient une ambiance loufoque, légère sur Pee Wee’s puis lourde sur le Beetlejuice. L’utilisation d’un piano accompagné par une rythmique très carrée (à l’image d’une boites à rythme) convenait parfaitement à ce type d’ambiance.

 

- Batman, Edward aux mains d’argent, Batman 2 et L’étrange Noël de Mr Jack :

Pour ma part, je pensais pouvoir parfaitement accommoder ces quatre films. Le tableau de Batman m’a permis de créer une transition vers un univers plus sombre avec le fameux climax Elfmanien. L’apparition des choeurs pour « Edward aux mains d’argent » était incontournable et pouvait permettre d’orienter l’ambiance musicale vers un univers féerique, comme l’enchantement d’un Noël morose. Je n’ai pas voulu exposer mon thème ici car je voulais le préserver pour plus tard, et sur le tableau de « L’étrange Noël de Mr Jack » j’ai employé de manière subtile quelques matériaux de mon thème principal.

 

- Ed Wood Mars Attack et Sleepy Hollow :

Pour les tableaux de « Ed Wood » et de « Mars Attack », j’ai bien évidement utilisé les ondes martenot sur une harmonie très étrange. Pour cela,  le rapport entre le Gm et le Ebm offre cette sensation, le tout en utilisant mon thème de départ. C’était le moment opportun de faire entendre clairement le thème de base. Sur Sleepy hollow je voulais garder la même harmonie sans savoir si je devais reprendre le thème ou pas.

 

- La planète des singes :

La bande originale étant majoritairement composée de percussions, il me fallait profiter de cette planche pour faire respirer la musique. Ainsi j’ai donc voulu instaurer une ambiance tribale avec quelques percussions ethniques en vue de créer une ambiance austère.

 

- Big Fish, Charlie et la chocolaterie, et les Noces Funèbres :

Après une période très sombre avec « Sleeppy hollow » et la « Planète des singes », je voulais que le tableau Big Fish respire d’une certaine « fraicheur ». Je ne pouvais donc pas passer à côté du mode lydien avec ces fameuses interventions de sixtes mineures doucement plaquées dans l’aigu du piano et cela suspendu au dessus d’un ostinato à la quinte à la main gauche. Pour « Charlie et la Chocolaterie », c’était également l’occasion d’obtenir un soupçon de gaieté avant de repartir dans une teinte plus sombre avec « Les noces funèbres ».

 

- Sweeney Todd et Alice au pays des merveilles :

J’étais impatient d’arriver à Sweeney Todd et à Alice pour composer une petite poursuite aux cordes. L’instrument de prédilection de Sweeney Todd était pour moi l’orgue mais dans une utilisation minimaliste. J’en suis arrivé à me dire qu’il ne jouerait qu’une basse continue sur laquelle les cordes viendraient se greffer en staccato sur une pédale de tonique. Le tableau de Alice au pays des merveilles quant à lui reprend l’harmonie du thème de base en vue de produire une agitation orchestrale très colorée.

 

- Portrait final :

Même si le thème principal n’a pas été utilisé sur chaque tableau car j’avais peur qu’il y ait une surcharge des mélodies, j’ai décidé de l’exposer au piano solo sur ce dernier tableau, afin de dévoiler en quelque sorte mon idée de base. Aussi, cela permettait de regagner la même simplicité qu’au début et de fermer musicalement la parenthèse.

 

- Ébauche intégrale : 

Étape 3 : l’Orchestration


Étape 1 : Trouver un thème

       J’avais le souhait de créer pour chaque film une ambiance musicale différente qui puisse nous rappeler les univers propres à chacun. Là était la première difficulté car face à la multitude d’ambiances, il était important que la musique ne soit morcelée mais au contraire qu’elle unisse les différents tableaux. Il m’a donc fallu dans un premier temps trouver un thème qui puisse s’accommoder à chaque ambiance tout en ayant une couleur elfmanienne.

Après quelques ébauches le thème ci dessous en est ressorti :
Thème solo :

Je l’ai ensuite harmonisé avec de légères différences afin d’enrichir ma mélodie de base :
version 1 : 
version 2 : 

Étape 2 : Réalisation de l’ébauche musicale

Musique comme objet sonore : Diégétique

         

   Au début du cinéma parlant, les réalisateurs ont cherché à justifier par l’image la présence d’une musique de fosse. Ainsi dans certains films de l’époque il n’est pas rare de voir un orchestre jouer, ou un gramophone produisant la musique que nous entendons. L’extrait ci-dessus de La Chienne (1931) de Jean Renoir met en scène Legrand, un peintre qui se fait sentimentalement manipuler par Lulu. Cette dernière s’approprie les toiles du peintre pour les revendre en échange d’un amour fictif. La scène est accompagnée d’une musique qui provient de la rue chantée par Michel Simon, ce qui renforce l’indifférence de Lulu face à la douleur de Legrand. Le terme de musique diégétique permet de définir une musique dont la source appartient à la diégèse du film, par opposition à la musique extradiégétique (musique de fosse). Nous reviendrons plus tard sur ce passage, car la musique possède ici une importance bien plus forte que ce que nous venons d’en dire. Le film Étoile sans lumière (1946), réalisé par Marcel Blistène est lui aussi très significatif, car il met en abime l’enregistrement sonore.

   Madeleine, jouée par Édith Piaf, passe un casting pour doubler la vedette du cinéma muet Stella Dora qui n’a pas la chance de chanter juste. Ainsi, nous sommes les seuls à voir le matériel d’enregistrement, mais tout le processus de doublage est expliqué par les protagonistes qui vont jusqu’à montrer la prise de son avec l’équipe. Il est intéressant de constater que la voix, qui est l’élément central de cette scène, est à peine audible. Notre situation subjective nous permet d’entendre très faiblement la voix au travers des casques des ingénieurs-son. Édith Piaf est alors au second plan, derrière les vitres du studio. L’utilisation de la dimension diégétique renforce l’idée que la voix d’Édith Piaf n’est qu’un simple objet sonore qui sera exploité par la production du film dans le film.
Les limites des musiques diégétiques et extradiégétiques sont repoussées avec certains réalisateurs qui jouent sur l’ambiguïté qu’il peut y avoir entre les deux. J’analyserai dans un prochain article les différentes possibilités que nous offre le jeu des plans diégétique et extradiégétique.


La musique comme facteur de continuité

         

   Durant la période du cinéma muet, les musiciens profitaient des changements de cartons pour réajuster la musique en fonction de l’image. Dans le cinéma parlant, la musique unifie le flux des images. Ainsi, il n’est pas rare qu’une musique lie un plan à un autre, ou une scène à une autre. Ce procédé est alors appelé : overlapping. Mais la musique va parfois faire office d’indicateur temporel. Elle va non seulement permettre une certaine continuité d’une scène ou d’un plan à un autre, mais aussi de lier un ensemble dans une logique qui échappe justement à la notion de temps. C’est par exemple le cas dans l’extrait ci-dessus du film d’animation Là-haut réalisé par Pete Docter et Bob Peterson (2009). Ce passage retrace l’intégralité d’une vie de couple par un jeu de « tuilage visuel » qui met successivement en scène différents événements significatifs. Alors que les images permettent à elles seules de comprendre que le temps passe, la musique va véritablement souder la séquence. Elle introduit alors la notion de romantisme au sein de la routine du couple et reste en empathie avec les images. Elle va ainsi s’accommoder aux différentes émotions que nous suscitent ces dernières.

   Du point de vue de la continuité, la musique peut aussi permettre une liaison spatiale et temporelle. Ainsi, elle permet de lier deux scènes qui se déroulent dans des lieux, et des temporalités différentes. Dans l’extrait ci-dessus de la scène finale de la série télévisée Six Feet Under (2001), la musique qui entre en scène de manière diégétique (par l’introduction d’un CD dans le poste radio de la voiture) va permettre d’entremêler des évènements qui se produiront ailleurs avec le trajet en voiture de Claire Fisher. La musique nous impose alors une certaine subjectivité en nous glissant dans la peau de cette dernière. Cela nous donne l’impression de plonger dans sa propre imagination, à savoir la matérialisation mentale de l’éventuel destin de la famille Fisher. Le voyage associé à la musique suggère le temps qui passe inexorablement et induit une notion de fatalité dans les événements à venir. La musique propose ainsi une continuité logique dans la succession des images. Nous passons d’un lieu et d’une action à une autre sans interruption et sans que cela altère la perception émotionnelle que nous pouvons avoir de la séquence. Au contraire, cela renforce l’immersion et l’appropriation des émotions suggérées. Ainsi, la musique devient un facteur de continuité qui dissimule non seulement les changements de scènes, mais elle connecte également les différentes images entre elles pour ne former qu’une seule et même unité audiovisuelle.


Bibliographie

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La musique comme « papier peint »

    Selon Igor Stravinsky, la musique de film peut avoir une valeur comparable à celle d’un « papier peint ». Bien que le terme soit péjoratif, c’est ainsi que la musique de film a longtemps été considérée. Le spectateur en est le premier responsable, car il peut ne pas avoir conscience de la dimension auditive d’un film. Son attention se porte principalement sur le visuel et nous parlons encore de nos jours « d’aller voir un film » au cinéma. De nombreux théoriciens ont également fait l’impasse sur le sujet en associant à la musique un caractère secondaire et mineur par rapport à l’image. Toutefois, nous ne devons pas exclure que certains films proposent une bande sonore qui n’a pas d’autre valeur que de meubler musicalement le film. Outre la volonté de signifier et de doubler l’intensité de l’action, la musique se contente de constituer une fresque sonore sans réellement proposer de point de vue audio-visuel. La majorité des séries « B », les documentaires et les émissions de télévision sont accompagnés d’une musique qui double l’action en permanence. De plus, celle-ci a tendance à accompagner le film du début à la fin et marque très peu d’interruptions. Loin de vouloir dénigrer le travail d’un grand maître, c’est toutefois le cas dans la saga Star Wars. Nous aurons l’occasion de souligner dans un prochain billet, que la musique composée par John Williams est grandement influencée par les opéras wagnériens, notamment au travers de l’utilisation de thèmes mélodiques très marqués et du leitmotiv. Nous pouvons penser que la musique ainsi conçue comme un opéra cinématographique n’a pas vraiment sa place dans le domaine audio-visuel. Selon Adorno et Eisler (La musique de cinéma), le leitmotiv et l’utilisation de la mélodie tonale dans le domaine cinématographique ne permettent pas d’avoir le même impact que dans les opéras de Wagner.

La musique de film ne peut pas être appliquée de la même manière au cinéma et à l’opéra, car ce sont deux genres différents. Ainsi, qu’en est-il de la pertinence d’une musique présente du début à la fin du film ? Dans le domaine cinématographique, je pense que la musique possède un intérêt supérieur à celui d’accompagner les images.

Le cas de la musique dans la télé-réalité.

    Pour illustrer l’opinion de Stravinsky quant à l’idée d’une musique « papier peint », intéressons-nous à la musique présente dans les télé-réalités. Il n’est pas rare de retrouver dans ces dernières, de nombreux réemplois du répertoire musical. Toutefois, alors que la musique appelle à un système de tension et de détente, la production de ces émissions ne considère pas vraiment cette dimension artistique. Afin de garantir un certain audimat, il est nécessaire de garder le spectateur, de le capter, et de créer un rapport de dépendance en usant des effets de tension. Aussi, la production de ces émissions impose une pression permanente et sans résolution qui a tendance à fatiguer l’oreille, car nous sommes constamment en alerte, dans le suspens d’une avalanche d’actions artificielles toutefois interrompu par les pages publicitaires. Les musiques des télé-réalités, dont nous pouvons nous amuser à retrouver leurs origines de part et d’autre du répertoire musical, se limitent généralement à utiliser des codes audio-visuel relativement pauvres (représentation de la tristesse par le mode mineur, etc.). Pour le coup, nous obtenons une musique qui ne trouve son adéquation avec l’image que dans l’émotion qu’elle suscite. Nous pouvons alors parler sans abus de langage d’une musique « papier peint ».


Le contrepoint didactique

   Le contrepoint didactique est un terme lancé par Adorno et Eisler dans leur ouvrage Musique de cinéma. Ce procédé diffère du contrepoint dramaturgique en cela même qu’il vise plus à amener un sens critique qu’à produire une accentuation de l’impact émotionnel. Un exemple intéressant est notable dans le film IXE de Lionel Soukaz (1983). En effet, le visuel propose une alternance de scènes sans logique. Une série ininterrompue de flashes de scènes religieuses, pornographiques, et politiques qui impose une perversité débridée, dépourvue de limites. À cela, les musiques populaires viennent endurcir la violence des images. Le contrepoint se fait donc en nature et en signification. En nature puisque la contradiction se fait sur le montage alterné de scènes fondamentalement opposées (des relations homosexuelles côtoient des scènes de politiques ou de religion) et sur l’ajout de la musique populaire. Ce procédé s’inscrit comme étant un cas de contrepoint-contradiction double bien que la dimension critique soit ici plus marquée. Le contrepoint, lui, permet de dénoncer les agressions de l’actualité, et de manifester une certaine révolte face à la société de l’époque. L’opposition de la culture est également à noter, car l’application de la musique populaire sur des images politiques et religieuses sert à dénoncer les inégalités sociales inscrites également dans le rejet de l’homosexualité. Les sujets tabous sont clairement exposés, et ce, de manière brutale. Pour finir, le contrepoint didactique amène à « lire » les images pour tendre vers une interprétation aboutie de ces dernières. Nous le retrouvons souvent dans les documentaires, mais sa présence est limitée dans le cinéma de fiction.