La musique comme facteur de continuité

         

   Durant la période du cinéma muet, les musiciens profitaient des changements de cartons pour réajuster la musique en fonction de l’image. Dans le cinéma parlant, la musique unifie le flux des images. Ainsi, il n’est pas rare qu’une musique lie un plan à un autre, ou une scène à une autre. Ce procédé est alors appelé : overlapping. Mais la musique va parfois faire office d’indicateur temporel. Elle va non seulement permettre une certaine continuité d’une scène ou d’un plan à un autre, mais aussi de lier un ensemble dans une logique qui échappe justement à la notion de temps. C’est par exemple le cas dans l’extrait ci-dessus du film d’animation Là-haut réalisé par Pete Docter et Bob Peterson (2009). Ce passage retrace l’intégralité d’une vie de couple par un jeu de « tuilage visuel » qui met successivement en scène différents événements significatifs. Alors que les images permettent à elles seules de comprendre que le temps passe, la musique va véritablement souder la séquence. Elle introduit alors la notion de romantisme au sein de la routine du couple et reste en empathie avec les images. Elle va ainsi s’accommoder aux différentes émotions que nous suscitent ces dernières.

   Du point de vue de la continuité, la musique peut aussi permettre une liaison spatiale et temporelle. Ainsi, elle permet de lier deux scènes qui se déroulent dans des lieux, et des temporalités différentes. Dans l’extrait ci-dessus de la scène finale de la série télévisée Six Feet Under (2001), la musique qui entre en scène de manière diégétique (par l’introduction d’un CD dans le poste radio de la voiture) va permettre d’entremêler des évènements qui se produiront ailleurs avec le trajet en voiture de Claire Fisher. La musique nous impose alors une certaine subjectivité en nous glissant dans la peau de cette dernière. Cela nous donne l’impression de plonger dans sa propre imagination, à savoir la matérialisation mentale de l’éventuel destin de la famille Fisher. Le voyage associé à la musique suggère le temps qui passe inexorablement et induit une notion de fatalité dans les événements à venir. La musique propose ainsi une continuité logique dans la succession des images. Nous passons d’un lieu et d’une action à une autre sans interruption et sans que cela altère la perception émotionnelle que nous pouvons avoir de la séquence. Au contraire, cela renforce l’immersion et l’appropriation des émotions suggérées. Ainsi, la musique devient un facteur de continuité qui dissimule non seulement les changements de scènes, mais elle connecte également les différentes images entre elles pour ne former qu’une seule et même unité audiovisuelle.